Je ne supporte pas la vue de ma chatte/vagin… Jusqu’à avoir des vertiges si je regarde trop longtemps.

Bonjour! Alors en fait je suis dans une situation assez bizarre (pour moi en tout cas), car je suis une fille et je n’arrive pas à regarder mon sexe. Par là, je veux dire que je ne supporte pas la vue de ma chatte/vagin/etc.., limite jusqu’à avoir des vertiges si je regarde trop longtemps. Le problème c’est que ça devient tout de suite assez gênant pour des activités telles que s’épiler/se raser, ou vérifier si tout est en règle, s’il n’y a pas de problème visible là dessous si tu vois ce que je veux dire. Et pour se toucher, j’en parle même pas, impossible sans être révulsée. Ce qui m’intrigue, c’est que je ne suis absolument pas dégoûtée par le sexe masculin, au contraire, je suis hétéro. Donc, voilà, si tu as des conseils pour surmonter cette affliction, je suis au bord du désespoir.

(btw ce site est juste merveilleux, vivant dans un pays où le sexe est extrêmement tabou, trouver une perle comme ça où ce sujet est discuté sans limite ni honte, c’est juste génial :D)

Bonjour!

Tout d’abord merci pour les gentils compliments, ça me touche vraiment!

Ensuite en ce qui concerne ton rapport disons compliqué avec ton sexe, sache déjà que tu n’es pas la seule personne à me parler d’une difficulté voire d’une impossibilité de regarder et/ou toucher son propre sexe. Pas mal de personnes à vulve pensent que leur sexe est moche (forme, taille ou couleur des petites lèvres, pilosité…), qu’il sent ou goûte mauvais (parfois cela fait suite à une remarque de leur partenaire, le plus souvent un mec cis) et ce ressenti négatif va parfois plus loin puisque certaines ont peur d’y mettre un ou des doigt⋅s, par exemple. Généralement, il s’agit de personnes nées avec une vulve/un vagin et je crois que ça n’est pas anodin. En effet, chez les personnes à pénis, le complexe, s’il y en a un, sera plutôt sur la taille du sexe (longueur et/ou largeur) mais pas sur l’aspect esthétique, l’odeur ou le goût qui sont des préoccupations bien plus fréquentes chez les personnes qui ont une vulve/un vagin, et en particulier celles qui ont été élevées en tant que filles/femmes (meufs cis ou mecs trans, donc)…

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Pourtant, de nombreuses traditions évoquent la vulve et/ou le vagin de manière très positive, que ce soit avec les statues irlandaises des Sheela Na Gig, le mythe grec de Baubo, une servante qui aurait sauvé Déméter en lui montrant son frifri, avec la déesse japonaise Ame No Uzume qui aurait permis à l’humanité de retrouver la lumière, là aussi en payant sa chatte, ou avec le yoni indien qui symbolise en peinture ou sculpture, la forme de la vulve… Dans l’imaginaire de ces cultures, la vulve et/ou le vagin représentent le principe féminin (oui, c’est cis-centré à fond et pas mal essentialisant…), une source de puissance, de joie… Bref toutes ces figures, légendes et personnages donnent de l’importance et de la valeur à la vulve/au vagin qui est alors souvent visible et donc présent dans l’inconscient collectif, qui plus est avec une dimension favorable.

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Clairement, de nos jours en Occident ce n’est pas vraiment la même. En fait, ça fait belle lurette que ce sexe est maltraité et invisibilisé, scientifiquement, symboliquement, culturellement, socialement et même artistiquement. Il a quand même fallu attendre 1995 pour que « L’origine du monde » de Courbet soit exposée au Musée d’Orsay! Pendant assez longtemps, la vulve et le vagin ont presque complètement disparu des scuptures, des peintures… On les a bien diabolisé⋅e⋅s avec le mythe du « vagina dentata » (le vagin denté, figure d’épouvante qu’a repris l’excellent film « Teeth ») mais au final, on n’en voyait pas, on n’en parlait pas, et on leur foutait relativement la paix (je dis relativement parce qu’on a quand même brûlé ou coupé les clitoris des jeunes gen⋅te⋅s qui se masturbaient « trop » -????- pour les « guérir » aux 19ème et 20ème siècle, ce qui était pas top top sympa).

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Pourquoi le pénis/phallus est-il vu de manière positive tandis que la vulve/vagin est perçu⋅e comme mauvais⋅e, sale voire dangereux⋅se? Peut-être parce que ces sexes sont associés à des genres, c’est à dire que classiquement le pénis/phallus est rattaché à l’homme ou au masculin, tandis que la vulve/vagin est apparenté⋅e à la femme ou au féminin (cissexisme toujours…). Or, SURPRISE, dans une société structurellement sexiste, ce qui est associét au féminin est systématiquement dévalué, rabaissé, critiqué tandis qu’on porte aux nues les symboles ou valeurs associé⋅e⋅s au masculin. Grossièrement, on glorifie le chibre tandis qu’on vilipende la chatte, et c’est aussi par manque de connaissances (car manque d’intérêt?) qu’on fait de la vulve et du vagin un territoire mystérieux et dangereux au lieu de le traiter comme n’importe quelle partie du corps. On dit que ce sexe est caché (or non, seul le vagin est interne et la vulve est bien visible de l’extérieur!), déjà ça paraît louche! Et puis il saigne une fois par mois chez de nombreuses personnes qui pourtant n’en meurent pas… Ça aussi c’est étrange, ce serait pas l’œuvre du démon, hm? (En fait non c’est le cycle menstruel, mais bon, hein, on va pas chipoter). Sans compter que c’est souvent la voie par laquelle sortent les bébés, ce qui impressionne et terrifie à la fois…

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S’ajoutent à ces soupçons archaïques les impératifs modernes qui pèsent sur la chatte 2.0 qui se doit d’être lisse, sans lèvres qui dépassent, sans poils, sans odeur, sans goût (d’où l’utilisation de produits TRÈS MAUVAIS pour le vagin)… Tout est réuni pour coller frayeurs, dégoût et complexes aux propriétaires de vulves/vagins et ce n’est pas évident de s’en dépêtrer. Après, il y a quand même des degrés dans ces complexes et dans leur « gravité », et je dirais que ça n’est un problème que si ça te pose des soucis concrètement, que ce soit dans ta sexualité, dans ta santé, dans ton quotidien… Or il me semble que c’est peut-être ton cas d’après ce que tu décris? Tu dis par ailleurs être au bord du désespoir, ce sont des mots forts et je ne pense pas pouvoir t’aider en te disant que tout va bien, que ton sexe ne va pas t’engloutir si tu le regardes ou si tu le touches. Ça tu le sais manifestement, ce qui veut dire que ce n’est pas une question rationnelle qui se joue là mais un truc plus profond, plus compliqué… Bref un truc qui mériterait sans doute que tu en parles avec un⋅e professionnel⋅le spécialisé⋅e (psy ou sexologue) pour réussir à cohabiter en paix avec ton frifri… J’ai envie de dire free the frifri!

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J’espère sincèrement que votre relation va s’améliorer <3

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