Certain⋅e⋅s de mes proches cherchent à me mettre dans une case mais je n’ai pas envie de définir mon orientation sexuelle

Bonjour,

Après avoir cogité toute mon adolescence sur la question de mon orientation sexuelle, cherché soigneusement quel terme pouvait me désigner, après avoir calculé mon taux d’homosexualité et d’autres folies dans ce genre, j’en suis arrivé à cette conclusion : M’est-il réellement utile de trouver ma définition exacte ? Et si, simplement, je décidais de ne plus m’en préoccuper ?
Mais certains de mes proches cherchent encore et toujours à me caser dans le dico, et je me surprends régulièrement moi-même à me réinterroger, comme si je me DEVAIS rejoindre une communauté particulière…
De plus, on me fait souvent remarquer que, du haut de mes 17 ans et encore vierge, je n’ai pas l’expérience et par conséquent la maturité suffisante pour raisonner ainsi.

Qu’en penses-tu ?

Bonjour!

Alors je vais commencer par la fin parce qu’après tout pourquoi pas?  Concernant le fait que tu aies 17 ans, que tu sois vierge et que tu n’aurais donc « pas l’expérience et par conséquent la maturité suffisante pour raisonner ainsi » euh… Ben déjà la valeur n’attend pas le nombre des années, pas plus que la maturité ne dépend de l’âge. En fonction de pleins de facteurs (personnalité individuelle, contexte familial, contexte culturel, contexte socio-économique, fréquentations amicales, expériences, etc…) chaque personne a un parcours qui lui est propre, chacun·e change et/ou se développe à son propre rythme, et il y a des personnes de 15 ans qui peuvent avoir des comportements ou réflexions bien plus poussé·e·s et matures dans certains domaines que des personnes de 25, 30, 45, 60 ans même! D’ailleurs, le simple fait de te poser ces questions, et la façon dont tu les formules montrent que tu as déjà des  capacités d’esprit critique plutôt développées, je dirais! Quant à la virginité : l’absence (ou la faible) d’expérience de rapports sexuels n’a jamais empêché qui que ce soit de se servir de son cerveau à ma connaissance, donc je ne vois pas en quoi cela te rendrait incapable de réfléchir et t’interroger sur ton identité et/ou ta (future) sexualité.

thoughtful-oprah

Bon, ensuite en ce qui concerne le fait de se définir (ou pas), et comment… C’est une question qui revient très très très souvent sous une forme ou une autre : est-ce que je peux me définir comme [insère ici une identité/orientation sexuelle/de genre] si je fais telle chose/ ne fais pas telle autre/préfère tel truc, etc etc… Dans mes réponses je suis toujours partie d’un principe de base qui est TU es la seule personne qui peut SI TU LE VEUX choisir de te définir (ou pas) de la manière dont TU veux puisque ça TE concerne, et personne n’a à te dire comment tu peux/dois (ou pas) te définir. Je continue de penser ça en général, mais depuis j’ai un peu nuancé, puisque les identités/orientations ne sont pas toujours que sentimentales et/ou sexuelles, certaines ont une histoire, un sens politique, et il est important qu’elles gardent du sens (ce billet de blog l’explique très bien je crois) et une connexion avec la réalité des vies des personnes (ce billet de blog aussi est intéressant sur la question). Si je dois résumer avec un exemple: NON, un mec cisgenre et hétéro ne peut pas se définir comme lesbienne, parce que lesbienne c’est une identité qui concerne les femmes qui aiment et/ou font du sexe avec des femmes et que ça implique des choses particulières, par exemples en termes de discrimination, de représentations, de violences subies etc…

tumblr_o5trf1C08v1rc7zl1o2_540La présomption d’hétérosexualité, par exemple, est une discrimination bien implantée et très répandue

Après, vu la façon dont tu parles des tests qui permettraient de calculer le « taux d’homosexualité » (j’aimerais bien savoir comment ils font ça? est-ce qu’ils demandent de citer les gagnantes de RuPaul Drag Race par ordre antéchronologique? de se rappeler des dates de Stonewall et des couleurs du drapeau rainbow? Ou est-ce qu’on explore tes crushs adolescent·e·s pour voir si tu aurais bien voulu embrasser une telle mais peut-être pas tel autre?) je me doute que tu sais qu’il n’y a aucun moyen scientifique fiable qui permettrait d’établir où une personne se place exactement dans le fameux spectre entre l’hétérosexualité et l’homosexualité, qu’on peut considérer comme les deux bouts. L’identité est complexe, elle comporte différentes facettes (attirance sexuelle, attirance amicale/sentimentale/romantique, identité politique, sociétale, choisie ou pas…) et elle est susceptible de changer au cours de la vie, des réflexions, des rencontres… Se définir comme homo, gay, pédé, lesbienne, gouine, bi·e, queer, cela peut avoir un sens différent selon les personnes, leurs expériences, leurs histoires, leurs réflexions, leurs cultures, etc etc. Ce qui est sûr c’est qu’il n’y a que les personnes elles-mêmes (avec un minimum d’introspection, de réflexion et de renseignements sur la question cf plus haut) qui peuvent savoir SI elles souhaitent se définir et COMMENT.

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Est-ce vraiment utile de trouver une définition exacte? Ça dépend. Ça dépend de ce que tu appelles définition exacte : est-ce que tu essayerais alors de trouver un ou deux mots qui à eux-seuls permettraient de connaître toute ta personne? Si oui, spoiler : ils n’existent pas, nous sommes bien plus qu’un ou deux mots clés, même si certains peuvent décrire une partie de la réalité. Et puis ça dépend des personnes. Pour certaines, il peut être rassurant de trouver un mot qui correspond (au moins en partie) à ce qu’ielles vivent, ressentent. Trouver un mot où l’on se reconnait, c’est aussi, potentiellement, entrer en contact avec des personnes qui peuvent avoir des vécus similaires, des questionnements semblables, des expériences comparables, et dont on peut espérer que ces personnes peuvent apporter écoute, soutien et assistance dans des moments pas évidents. C’est savoir qu’on n’est pas seul·e, pas monstrueux·se quand on sort des normes surexposées socialement et médiatiquement, qu’on peut (si on veut!) faire partie d’une communauté (au sens de personnes ayant des vécus en commun) et ça, ça peut faire beaucoup de bien, ça peut sauver des vies, même.

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GIF « Pride », par Julie Winegard

Pour d’autres, comme ça semble être ton cas, les étiquettes, surtout posées par d’autres, sont comme des cases, des cages, des catégories enfermantes, limitantes et qui peuvent donner lieu à des discriminations.

NON tu n’es pas obligé de te définir, de te « caser dans le dico », et même si ta famille insiste là dessus c’ets toi que ça concerne en premier lieu, pas eux. Ce qu’ielles ressentent c’est peut-être une sorte d’incompréhension, et pour ça, c’ets vraie que les catégories sont pratiques car elles nous permettent de plus facilement comprendre le mondes, les choses et les gen·te·s… Mais les gen·te·s sortent toujours des cases, on n’est jamais entièrement et seulement une partie de notre identité, et si tu en as envie ou si tu t’en sens le courage, peut-être que tu peux essayer d’en discuter avec elleux, mais ça prendra sans doute plus qu’un ou deux mots :)

Voilà voilà, j’espère que tu trouveras des bouts de débuts de réponse dans tout ça,

Bisette à paillettes!

Cette réponse existe grâce au soutien de @lynao_ sur Tipeee. Merci beaucoup!

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