[TW] Est-ce que le trouble de stress post-traumatique après un viol peut venir plusieurs années après et durer (très) longtemps ?

[TW] Bonjour Diane. J’ai connu ton site grâce à Twitter mais j’ai mis un certain temps avant de me décider. J’ai ‘peur’ que certaines personnes m’y « reconnaissent ». Mais tant pis. Cela va être sans doute un peu fouillis ma façon de raconter et je m’excuse par avance. De plus, je n’ai pas mis tous les détails mais j’ai essayé de faire en sorte que tu comprennes les différentes situations.

J’ai été « violée » il y a un peu plus de 10 ans maintenant. J’avais 15 ans et demi et ils étaient cinq. Aucun ne m’a pénétrée vaginalement parlant mais ils m’ont tous sodomisée « parce que c’est plus douloureux » et que de toute façon « au vu de mon physique, je ne suis pas une vraie fille ».
J’étais déjà très très mal dans ma peau à cause de mon corps et de mon rapport à lui. Je suis malformée/déformée, difforme à cause d’une maladie génétique qui me rend très différente. J’avais même pensé être intersexuée plus jeune mais non, ce n’est pas cela. J’ai une mini poitrine mais je ressemble plus à un homme à cause de mes muscles qui sont hypertrophiés, des traits fort masculin au niveau du visage qui ne sont pas aidés avec avec l’accumulation de tissu adipeux qui fait que je ne semble pas avoir de cou ou plutôt un cou qui ne distinguent pas, un hirsutisme qui ne m’a jamais aidé à me sentir « femme ». Etc. On s’est souvent moqué de moi, « LE monstre » était connu de tout le collège où j’étais mais « tête d’homme » passait aussi. On me demandait souvent si j’étais une nana ou un mec. Et j’avoue que je ne savais même pas/plus quoi répondre à force tellement j’étais exténuée. Une dizaine d’années d’existence à peine et pourtant déjà l ‘envie de crever. Les insultes ayant surtout commencé en CM1 où mon corps et ma maladie commençaient à s’assembler et à me disloquer moi. Ces quatre ans de collège ont été un terrible fardeau où je n’avais pas d’amis à part une seule personne. On s’était connu lorsque j’avais 8 ans, elle en avait 11. On était amie puis en grandissant on est devenu plus. Seulement elle n’a pas mis que fin à notre relation amoureuse mais à notre relation tout court, avant que je rentre au lycée. Je pensais, en troisième que le lycée serait une bonne chose mais j’avais tord en plus d’être anéantie par la nana que j’aimais plus que tout. Cela a été dure de s’en remettre, encore maintenant je pense encore à elle.

Puis à peine arrivée, les lycéens ont continué à m’injurier et les railleries n’ont pas cessé. Mais en plus, ce même mois de rentrée scolaire lycéenne, c’est là que ça m’est arrivé. Je n’arrivais même pas à mettre le mot viol sur ces actes. Et pour dire vrai, au début j’étais déjà tellement en train de souffrir, que ça ne m’a pas plus affecter que ça. Mais au fil du temps, j’ai rencontré une « amie » C., du moins je pensais que c’était ce que j’étais pour elle mais non. J’ai compris plus tard qu’elle m’avait utilisée, moi faible et limite morte mais je l’aimais. C’était tellement rare qu’on m’envoyait des textos, qu’on allait boire un verre avec moi, qu’on faisait des sorties ensemble, qu’on se voyait en dehors des cours mais durant quasiment tout le lycée, elle se jouait de moi. Je sais que c’était ma faute, je me laissais faire. C’était pas grave si elle était méchante, je l’aimais, c’était mon amie. Puis on a passé de bons moments ensembles.
J’ai fait des tas de choses avec elle que je n’avais jamais faite avec personne : des concerts notamment. On picolait et on fumait des tonnes de cigarettes, on séchait les cours parce que parfois on était pas en état d’y aller ou d’autres fois parce qu’on en avait envie et on squattait les bars. Mais en vieillissant, je supportais de moins en moins sa façon d’être avec moi puis en deuxième année de Première (puisque j’ai redoublé) j’ai rencontré une autre copine. L. Je n’écris pas son prénom en entier, car on a encore quelques contacts. Mais moins ces derniers mois. Je suis fatiguée de ces gens.
Janvier 2008, l’année du bac, j’ai décidé d’arrêté le lycée. Oui à 6 mois du baccalauréat. J’étais au bord de me foutre en l’air. J’avais pas bossé de toute façon, je suis tellement nulle que je ne l’aurais jamais eu. Je voulais m’humilier moi-même. Puis je ne voulais plus sortir de chez moi, je voulais rester allonger toute la journée à pleurer, là au moins personne ne verrait le monstre qui ne réussit rien dans sa vie autre que les échecs. Au collège j’avais de bons résultats, au lycée c’était une catastrophe. J’écoutais pas en cours, n’y allais pas tout le temps et ne travaillais pas chez moi. Pourquoi faire ?

Je me savais condamnée pour le reste de ma vie à être une sous-merde, une moins que rien qui adore être avec des gens qui la tirent vers le bas. Mon premier amour, C., L. Elles m’ont certes apporter de bonnes choses, mais c’est pas comme ça que je veux être traitée, aimée. Alors, c’est bel et bien moi le problème, non ? Évidemment que si. Sinon je ne serai pas aussi seule. Les seules personnes capables de m’aimer sont mes parents. J’ai beaucoup de chance de les avoir, j’en suis consciente. Mais je sais que je leur gâche la vie. Ils sont impuissants et malheureux de ma voir ainsi depuis toutes ces années… Depuis l’arrêt de lycée, c’est le trou noir. Mon existence n’a pas bougé d’un iota. Je ne sors quasiment pas. Je suis entre peur du regard des autres et honte du viol. J’ai depuis essayé de refaire des études, capacité en droit, DAEU, Licence 1, 1ère année de BTS mais bon. J’ai obtenu le DAEU avec mention très bien et ça a été la seule fierté. A la fac, je me suis vite rembourbée dans ma propre merde avec toutes mes angoisses et ma solitude, j’ai abandonné. La première année de BTS était par correspondance, j’avais plutôt de bonne note mais ma première année n’a pas été validé car je n’ai pas (pu) fait de stage. Les seule sorties que je fais, je suis toujours accompagnée.

Pour en revenir au viol, je sais que ça a été aussi une très grosse souffrance. Mais je n’en parle pas ou très peu. Parce que C. m’a dit un jour (je lui avais par la suite avoué) que ça ne « pouvait être qu’un mensonge au vu de comment je suis. Que personne n’a envie de baiser quelqu’un de moche. Et que si ça n’en est vraiment pas un, alors je devrais les remercier ». Et au fond, elle a pas forcément tord, je me suis toujours demandé pourquoi ils m’avaient fait ça à moi alors que personne ne veut de moi. Qu’on me trouve monstrueuse. Que je suis écœurante. Surtout qu’ils se sont moqués de mon physique malgré ce qu’ils étaient en train de me faire. Je pleure souvent en y repensant. Je me dégoute, pour tout. Que même avec ce physique de mec, je n’ai même pas su/pu me défendre.

Depuis ça, je n’ai rencontré personne, ne serait-ce que de manière amicale. Je n’ai eu aucun contact physique/sexuel avec quelqu’un et je déteste tout contact avec un être humain, surtout masculin. Je sais que pourtant j’ai des envies, des désirs. Et ça m’a mis dans un état léthargique et dubitatif à la fois. Parce que je suis comme un zombie qui répète la plupart du temps les mêmes choses/actions et tout un tas de chose me traumatise terriblement. Puis parce que je ne sais pas ce que je suis. Je me considère comme non binaire et lesbienne mais je ne suis pas sûre. Je suis tellement perdue et totalement paumée.
D’ailleurs quand j’allais voir ma psy, je ne pouvais absolument pas lui parler de tout ça. Elle m’aurait prise pour une menteuse. Surtout que c’était un très belle femme alors je ne me sentais pas, devant elle et de vive voix de lui exprimer tout cela.

Tu dois te demander où je veux en venir avec tout cela, alors voilà :
* est-ce que le trouble de stress post-traumatique après un viol peut venir plusieurs années après et durer (très) longtemps ?
* Est-ce que des « victimes »  tombées aussi que moi peuvent vraiment s’en sortir ? Et comment, parce que là j’ai surtout très envie d’en finir. Au final, je manquerai pas à grand monde mais même là, je suis lâche et n’ose même pas me suicider. Mes parents sont déjà tristes de ma voir comme ça alors ça changerait pas grand chose.

En tout cas, merci d’avoir pris le temps de lire .

Bonjour toi.

Merci pour ce témoignage et ces questions, merci pour ta confiance et j’espère pouvoir t’aider.

Pour commencer, je voudrais te donner quelques ressources qui pourront/pourraient t’être utiles si tu choisis de parler de ce qui t’est arrivé, ce qui est la plupart du temps crucial dans les démarches des victimes de et/ou survivant⋅e⋅s  à un viol pour commencer à aller mieux. Tu peux notamment contacter le numéro vert pour mettre fin aux violences faites au femmes mis en place par le gouvernement au 3919 ou le collectif féministe contre le viol au 0 800 05 95 95 (attention si tu es travailleuse du sexe, voilée ou trans, l’accueil dans cette dernière pourrait laisser à désirer). Tu y trouveras des écoutant⋅e⋅s formé⋅e⋅s pour accueillir et orienter les personnes ayant subi des violences sexuelles, à qui tu pourras exposer ce qui t’est arrivé, tes ressentis, et éventuellement tes craintes et ton malaise. Il existe aussi ce site, pour lequel tu peux témoigner en écrivant à tanpmp@gmail.com, et sur lequel tu trouveras d’autres témoignages qui peuvent aussi t’aider

Sur le blog Philomèle, il y a une liste de psy (majoritairement parisienne) formé⋅e⋅s au psychotrauma. En effet, la façon dont tu parles de toi, ton parcours,  ta détresse, beaucoup de choses semblent bien indiquer que tu souffres d’un trouble de stress post-traumatique. Il est relativement fréquent que celui-ci ne se manifeste que des années plus tard, oui, car sur le coup, le cerveau, quand il sent qu’on n’est pas en capacité de gérer des émotions terriblement négatives, va passer en mode sauvegarde, c’est à dire qu’il peut complètement occulter un événement et/ou les émotions qui y sont liées. Cela peut ressurgir des années plus tard lorsque l’on vit ou voit ou entend quelque chose qui nous y fait repenser voire qui nous fait revivre le moment en question. Parfois c’est aussi quand le cerveau sent que l’on est prêt⋅e à affronter cela. Ce délai est très fréquent lorsque les violences arrivent pendant l’enfance, et le souvenir des violences ou les sentiments qui les ont accompagnées ressurgiront alors à l’âge adulte, quand le mental est plus « solide ». C’est d’ailleurs pour ça que la loi a récemment changé pour permettre aux victimes de et/ou survivant⋅e⋅s de viols advenus pendant l’enfance de porter plainte jusqu’à 20 à 30 ans après la majorité (48 ans, donc).

[Edit] Sur Twitter, @pziou me précise que l’EMDR (intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires) est « un outil puissant et bénéfique » et reconnu par la Haute Autorité de santé, pour traiter le syndrome de stress post-traumatique. Tu peux trouver des praticiennes sur ce site.

Je ne saurais trop insister sur l’importance que de parler, surtout que tu sembles être encore dans une très grande douleur et une forme de culpabilité, de honte et de doute sur ce qui t’est arrivé qui sont malheureusement très fréquents chez les victimes de et/ou survivant⋅e⋅s de violences sexuelles. Ces sentiments ont visiblement été entretenus par plusieurs des personnes que tu as pu avoir dans ta vie, et notamment cette fameuse C. qui t’a dit que tu ne pouvais pas avoir subi un viol en raison de ton physique. Non seulement c’est horrible de dire ça à une personne, qu’elle soit censée être notre amie ou pas (et non, un physique différent ne fait pas de toi un « monstre » ni une personne « difforme »), mais c’est absolument faux. L’aspect physique, tout comme la tenue vestimentaires, n’ont rien à voir avec les raisons d’un viol. Le viol, même s’il en prend les apparences, n’est pas un acte sexuel. C’est, comme son nom l’indique, un acte de violence, et en ce qui te concerne un viol commis en réunion avec une extrême brutalité.

Tu remarqueras que depuis le début de ma réponse je te parle de survivant⋅e⋅s et pas seulement de victimes. Ce n’est pas un choix de mot innocent. Car aujourd’hui, même si ta douleur est très grande, que tu dis avoir envie d’en finir, et qu’il semble que tu as du mal à imaginer une issue positive, il y a quelque chose que tu ne dois pas oublier : tu es en vie. Après, certaines personnes ont envie et/ou besoin de dire victimes, car c’est aussi un statut, une forme de reconnaissance de ce qui est arrivé et du fait qu’elles ne sont pas fautives. D’autres préféreront le terme de survivant⋅e⋅s. Ça t’appartient.

Les personnes qui t’ont fait ça avec l’intention manifeste de te blesser, les autres qui ont nié ta souffrance, ou ne t’ont pas crue, toutes ces personnes n’ont pas eu ta peau. Tu n’es pas lâche! Tu es en vie. Tu te bats. Et tu es venue me poser cette question parce que tu as envie d’aller mieux. Quelle plus belle preuve de leur échec, et de ton courage et de ta force!? Tu n’es pas nulle, tu n’es pas faible. Tu n’es pas écœurante, pas « une sous-merde », pas responsable de ce qui t’est arrivé non plus. Tu as vécu un événement horrible et tu y as survécu. Maintenant, tu as juste besoin d’un coup de main pour aller mieux. Les ressources que je t’ai données au tout début de la réponse, ce sont des mains tendues, tu vois. Des mains de personnes qui ont parfois vécu des choses similaires. Attrapes-en une, ou deux, ou dix, autant qu’il t’en faudra.

J’espère sincèrement que cela pourra t’aider à te réconcilier avec toi, déjà. Parce que tu es humaine et donc digne d’amour. Ce n’est pas toi « le problème », au contraire, tu es la solution.

Je t’envoie de la force et du courage encore, car il t’en faudra. de la douceur et de la tendresse aussi, car tu le mérites.

<3 <3 <3 <3 <3 <3 <3

Cette réponse existe grâce au soutien de @flonot sur Tipeee. Merci beaucoup!

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