[TW] Quel mot puis-je mettre sur des rapports douloureux où je me forçais pour faire plaisir?

Coucou ! J’ai un problème qui me travaille depuis quelques années : un de mes copains pendant l’adolescence (16-17ans il en avait 18) le premier avec qui j’ai fait l’amour en fait, ne me donnait aucun plaisir puisque n’a jamais tenté que la pénetration et rien d’autre. De mon côté j’avais très souvent mal et m’estimais heureuse lorsque je ne sentais rien et me contentais d’attendre qu’il aie fini.. (Je revois encore les défauts de son plafond que je fixais en me répétant « c’est bientôt fini, c’est bientôt fini). J’en avais parlé à mes amis à l’époque qui, pas plus expérimentés que moi avaient conseillé quelques positions, bien sûr inefficaces, et tout le monde – y compris mon copain de l’époque – avait fini par conclure que j’étais frigide. Je m’étais donc résignée à me faire chier au lit les bons jours et souffrir les autres. Je l’ai jeté après 2 ans de relation et suis maintenant avec mon copain avec qui je m’entend parfaitement bien sexuellement
et qui respecte mes envies. Mais depuis que je lis énormément d’articles féministes je me suis rendue compte que le consentement était très trigger pour moi, j’en veux beaucoup à cet ex qui a profité de mon corps pour son propre plaisir sans jamais chercher à me le faire partager, mais peut on vraiment appeller ça des rapports non consentis quand je me forcais pour lui faire plaisir ? En gros : quel mot puis-je mettre sur ces rapports douloureux  pour pouvoir passer à autre chose ? (C’était vraiment long pour en arriver là, désolée)

Bonjour,

Effectivement, la question du consentement est un des enjeux majeurs de nombreuses luttes féministes, et il est logique qu’en te familiarisant avec ces questions cela ait pu interroger ton expérience, tout comme il est logique que tu cherches à mettre un mot sur le malaise ou la colère qu’éveillent en toi les souvenirs de ta relation passée. Évidemment, la réponse que je vais te faire n’engage que moi, et je sais qu’il y a des perspectives et points de vue très variés sur la question du consentement, et plus exactement, où se termine le consentement et où commencent les comportements répréhensibles. C’est une question qu’on m’a souvent posée, sous une forme ou une autre, comme tu peux le voir ici, , ou encore ici.

Chaque personne, de par ses opinions, sa sensibilité et/ou ses expériences, pourra avoir un regard différent là-dessus, une définition personnelle de ce qui est acceptable ou pas, pour elle. Mes limites ne seront pas nécessairement les mêmes que les tiennes.

Pour autant, je ne dis pas que tout peut être acceptable et que ça dépend juste des gen⋅te⋅s, attention! Il existe des limites très claires et explicites, et ce sont celles que définit la loi (dans les articles 222-23 et 222-27 à 222-30 du Code Pénal). Ainsi, pour qu’un contact sexuel soit considéré comme pleinement consenti, il ne faut pas qu’il y ait:

  • Violence : il s’agit de pression·s physique·s exercée·s par l’agresseur·euse sur la victime, mais il peut aussi s’agir de séquestration.
  • Contrainte : ça peut être une pression physique ou morale, de la manipulation, une contrainte financière, une asymétrie de pouvoir et/ou d’autorité, un écart d’âge important, une emprise psychologique…
  • Menace : il peut s’agir de menaces de mort, de menaces sur les proches, mais aussi de menace de causer des torts (par exemple « si tu ne fais pas […] je diffuse cette photo de toi/je vais lancer telle rumeur/je te licencie/je vais te pourrir la vie », etc etc.
  • Surprise : souvent les gen·te·s sont étonné·e·s au premier abord, parce qu’ielles trouvent ça absurde et ne voient pas comment un contact sexuel peut arriver par « surprise ». Qu’est-ce que ça veut dire concrètement? eh bien ça concerne toutes les situations où la victime n’est pas en capacité de consentir : coma, sommeil, état d’ébriété ou de « défonce » avancé, handicap intellectuel…

Il y a une formule qui résume assez bien ma vision du consentement (je ne sais plus à qui elle est due) : Il n’y a pas de vrai OUI si le NON n’est pas possible.

Alors, est-ce qu’un·e petit·e ami·e (ou simple partenaire) qui a des rapports avec toi tout en sachant que tu n’y prends pas de plaisir et/ou que ça te fait mal sort du cadre du consentement? A mon sens non.

Je m’explique : un rapport consenti, c’est un rapport librement accepté. Et c’est tout. Ça ne veut pas dire qu’il est désiré. Et ça ne veut pas dire qu’il est satisfaisant. Certaines personnes font la promotion de ce qu’elles nomment le consentement enthousiaste, et si je peux le comprendre parce que l’idée est séduisante (forcément, on se dit qu’un rapport entre des personnes qui en ont envie c’est carrément mieux) je crois qu’il est important de distinguer l’envie de l’accord. Parce qu’on peut tout à fait consentir en pleine conscience à un rapport dont on n’a pas ou peu envie, que ce soit dans le cadre de travail sexuel rémunéré ou tout simplement parce qu’on a envie de faire plaisir à son/sa/ses partenaire·s.

En ce qui concerne ta situation, je crois que ton ex était juste un connard, en fait (en tout cas il s’est comporté comme tel avec toi). Bon, je ne connais pas les tenants et les aboutissants de l’affaire, mais quand on ne se rend pas compte que notre partenaire regarde le plafond ou grimace de douleur pendant les rapports sexuels ou PIRE quand on s’en rend compte et qu’on ne change pas son comportement ou qu’on n’en parle pas, et ça sur une durée de deux ans, c’est au mieux de l’indifférence et au pire de la maltraitance. Il est donc parfaitement logique que tu te sentes mal en y repensant.

Ce que tu décris est malheureusement très (trop) fréquent : des meufs hétéras ou bies/pan à qui on a appris que les envies des hommes (et donc de leur partenaire/copain) était plus impérieux, plus important que le leur, se forcent à avoir des rapports qu’elles ne désirent pas et se retrouvent parfois complètement déconnectées de leur libido et de leurs fantasmes propres. De leur côté, des mecs hétéros ou bis/pan à qui on a inculqué que les femmes n’avaient que peu ou pas de désir autonome, que c’était « normal » (comprendre acceptable) que leur copine/partenaire « fasse des efforts » pour les satisfaire, ignorent des signes pourtant parfois très clairs de leur ennui, leur inconfort et/ou leur souffrance. Ce n’est pas une fatalité.

Si on apprend mieux aux filles/femmes qu’elles ont le droit d’accéder à la sexualité dont elles ont envie ça deviendra peut-être plus simples pour elles d’essayer de rectifier le tir lors de rapports peu ou pas satisfaisants (ou de trouver une autre solution le cas échéant). Et si on apprend mieux aux garçons/hommes qu’il n’est pas acceptable de faire passer systématiquement leurs envies au premier plan lorsqu’elles s’assouvissent au détriment de leur compagne, peut-être qu’il leur sera plus aisé de se remettre en question et de se montrer plus attentifs. En attendant, ce sont des enseignements que les personnes ne récoltent souvent qu’avec l’expérience et/ou en gagnant en confiance en elles…

Au final, je ne sais pas vraiment quel mot tu peux mettre sur ces rapports consentis mais pas très réjouissants que tu as eu, je crois que ça ne regarde que toi, mais j’espère que tu vas trouver et que ça t’aidera à mettre cette expérience derrière toi pour profiter pleinement de celles, plus heureuses, que tu partages avec ton ami actuel.

Je t’embrasse,

Cette réponse existe grâce au soutien de @geequequette sur Tipeee. Merci beaucoup!

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