Comment éviter la tentation facile et culpabilisante du porno ?

Comment se fait-il que quelque chose d’aussi agréable que le sexe soit source de tellement de problèmes, de maux de société tenaces, d’angoisses et de névroses ?..
J’ai quelques problèmes d’ordre sexuel. L’un de ces problèmes est mon rapport à la pornographie. C’est de plus en plus rare, mais je vais en voir une fois de temps en temps. En fait, ça arrive quand je suis assez excité pour que l’envie d’aller voir soit assez irrésistible. Déjà il y a un problème ici : j’ai la sensation de ne pas pouvoir contrôler mon envie, c’est pénible. L’autre problème c’est que quand je vais voir je suis souvent déçu. Je ne sais pas vraiment ce qui je vais y chercher en fin de compte. Fort heureusement je connais le porno féministe et éthique et je m’éloigne pas trop de ce milieu là.
(De toute façon ce qu’il y a en dehors est généralement non contrôlé et horrible. Quand je décide de partir un peu à l’aventure et que je tombe sur ce genre de choses, ça me ruine évidemment ma journée.)
Ce malaise que je ressens est lié à une culpabilité, la sensation que ce que je fais est mal et que ça va me retomber dessus. C’est bizarre que j’ai cette envie irrésistible alors que je pourrais après tout m’en passer totalement si ça me gène à ce point là, et me concentrer sur mon auto-sexualité. Puis on ne peut pas vraiment parler d’une addiction. Ça arrive par crise, généralement selon mon niveau de stress, et il peut y avoir des périodes assez longues où je n’ai pas envie d’aller en regarder.
Comme je suis quelqu’un d’assez reclus et peu sociable, il arrive que je désire une sexualité extérieure (impliquant donc d’autres personnes) parce que ma sexualité intérieure ne me suffit plus. Je n’ai pas de partenaire donc il ne reste alors que le porno.
Et c’est finalement là où je veux en venir, au delà de la culpabilité que j’ai développé vis-à-vis du porno, il y a un paradoxe entre d’un côté la liberté sexuelle qu’on nous vend à tout-va et de l’autre le tabou que représente la sexualité. J’ai quelques amis et la sexualité n’est pas quelque chose qu’on peut aborder si facilement (alors qu’il est si facile de faire des blagues grivoises…). Peut être que si le sexe était moins tabou, finalement j’aurais moins de trouble avec la sexualité impliquant d’autres personnes. Ce serait plus facile de communiquer avec des proches sur le sujet. Et ça me déculpabiliserait.
Mais ce monde idéal n’existe pas et ici je n’ai que le porno ou alors des récits érotiques, dont je ne connais d’ailleurs pas de sources intéressantes. Finalement, quand je vais voir du porno, je ne cherche que du contact avec d’autres personnes, une certaines proximité… mais je ne la trouve évidemment pas. Je me retrouve plutôt avec un univers qui ne me convient pas et qui me fait beaucoup culpabiliser. Il est clair que dans l’absolu c’est toxique pour moi : je ne suis pas fait pour voir du porno.
On en vient à ma question moins générale et plus personnelle que celle d’intro : comment est-ce que je devrais gérer ce désir d’une sexualité extérieure de façon l’intérioriser en une force positive et constructive et ainsi éviter la tentation facile du porno ?

PS : Ma question d’intro découle un peu de toute cette réflexion à propos du porno et me fait dire que notre société a vraiment un problème, et c’est surtout un problème de communication.
Ce qui m’a le plus interrogé, ce sont les sites de webcams. C’est vraiment une idée bizarre. J’ai été voir plusieurs fois et je trouve vraiment ces endroits très étranges, avec leurs codes précis… Finalement, ce n’est sans doute pas quelque chose à prendre très au sérieux, un peu comme un jeu. Mais quel drôle de jeu ! Un jeu d’argent impliquant du sexe longue distance. Je vois ça un peu comme une sorte de « porno interactif », qui me met assez mal à l’aise. Finalement c’est comme si le porno était devenu une pratique sexuelle banale, ordinaire, alors que détaché de toute proximité et finalement reposant peut-être sur un profond mal-être général autour du sexe. D’autant que les gens reprennent volontiers des codes issus du porno « mainstream » comme une nouvelle forme de réalité. Alors qu’on est censé bien savoir que le porno n’est pas la réalité…

Hello,

WOW, c’est une question plutôt balèze que tu me poses, et je vais tâcher d’y répondre du mieux que je peux :)

D’abord, dans ton rapport au porno me paraît plus confus que problématique. Tu parles de culpabilité, d’envie irrépressible, de désir de proximité. Tu associes également le porno avec « un mal-être général autour du sexe », « une tentation facile » que tu opposes à « une force négative », qui serait d’ailleurs « toxique pour [t]oi »… Mais paradoxalement tu sembles n’en consommer/regarder que rarement, et (presque) toujours des productions éthiques et/ou féministes. Au final, je ne suis pas sûre que ta consommation de porno soit problématique en soi. Tu le dis toi-même, « on ne peut pas vraiment parler d’une addiction« , puisqu’il peut t’arriver de passer d’assez longues périodes sans avoir envie d’en regarder et que c’est même « de plus en plus rare » et que ça n’empiète pas sur ta vie par ailleurs. Le souci semble plutôt être ta perception de cette consommation et/ou de tes envies.

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Tu as l’impression que c’est « mal » de regarder du porno,  une « tentation facile » et que ça va « te retomber dessus », comme si c’était une faute de ta part, quelque chose de condamnable. C’est un sentiment partagé par beaucoup de personnes qui en consomment, et qui est entretenu par le regard toujours moralisateur que la société pose sur les sexualités en dehors du couple hétérosexuel (autosexualité -masturbation-, homosexualité, bisexualité, asexualité…). Concernant le porno plus spécifiquement, il règne une énorme hypocrisie, puisque de trèèèèèèèèèèèèèèèès nombreuses personnes en consomment (il a été estimé que ça représenterait un tiers du trafic Internet) et qu’on continue néanmoins publiquement à considérer cette industrie dans sa globalité comme quelque chose de honteux ou répugnant. On juge à la fois celleux qui bossent dans cette branche (et notamment les actrices), et celleux qui regardent du porno.

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Mais pourquoi ce serait « mal » de regarder du porno? Ça n’est pas forcément le cas, surtout lorsqu’on se préoccupe des conditions dans lesquelles celui-ci est produit comme tu le fais, en se tournant vers des productions éthiques et/ou féministes, qui rémunèrent correctement les acteurs/trices, respectent leurs limites et promeuvent le sexe plus safe! Tu dis que « les gens reprennent volontiers des codes issus du porno « mainstream » comme une nouvelle forme de réalité », mais il n’existe aucune étude scientifique sérieuse pour appuyer ce propos. Dans l’ensemble, la plupart des gens savent que le porno n’est pas la réalité, et on ne comprend pas encore exactement quel⋅s effet⋅s la consommation de porno a vraiment sur les sexualités. C’est vrai que le porno mainstream (fait par et pour des mecs la plupart du temps hétérosexuels) véhicule des codes que l’on peut trouver discutables (norme hétérosexuelle et cis, rôle genrés hyper marqués). Mais c’est aussi le cas dans la plupart des films classiques et là il y a vachement moins de monde pour le dénoncer, bizarrement. En gros, on confond cause et effet et on se comporte comme si le porno mainstream était l’origine du sexisme dans la société alors qu’il n’en est qu’une des expressions…

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Au delà de cette question de « morale », tu te dis « souvent déçu » de ne pas y trouver ce que tu y cherches, c’est à dire « du contact avec d’autres personnes, une certaines proximité » et tu estimes que c’est « un univers qui ne [t]e convient pas ». Cette idée, je la retrouve aussi quand tu dis « je n’ai pas de partenaire donc il ne reste alors que le porno ». Il me semble que c’est peut-être ça au fond le truc, plus que de regarder ou pas du porno, d’en avoir envie ou « besoin », c’est que ça ne remplace évidemment pas un⋅e partenaire de jeu (même si ça n’est pas non plus vu qu’on peut regarder du porn à deux, trois ou cinquante huit si ça nous fait plaisir à tou⋅te⋅s).Alors, effectivement, c’est plus « facile » d’avoir une sexualité autonome (avec ou sans support porno) que de trouver quelqu’un⋅e avec qui on a envie de faire du sexe et plus si affinités (et avec qui c’est réciproque).

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Après, est-ce que c’est pour autant « mieux » de faire du sexe à plusieurs qu’en solo… Ben pas forcément! On peut être plus excité⋅e mais moins rassuré⋅e, par exemple, vu qu’on ne sait pas comment va se comporter l’autre personne, ce qu’ielle va aimer, dire, faire… On peut aussi se sentir intimidé⋅e, ne pas oser faire ou demander des choses qui font pourtant partie de notre sexualité perso (comme ce garçon, par exemple). Tout ça fait qu’il y a par exemple des personnes qui ont plus facilement un orgasme seules qu’avec partenaire⋅s. Pour d’autres, le tabou qui pèse sur la masturbation va au contraire freiner leur plaisir et elles en prendront plus quand elles sont accompagnées. il n’y a vraiment pas de règles, ça dépend juste des personnes, et aucune façon d’aimer, de désirer ou de faire du sexe n’est supérieure à une autre, tant que la/les personne⋅s impliquée⋅s est/sont consentante⋅s. Si c’est quelque chose dont tu as envie, malheureusement, il n’y a pas de recette miracle, et tu passeras forcément soit par la séduction soit (au moins) par une plus grande ouverture ou attention aux signaux que t’envoient peut-être déjà des personnes :)

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Pour finir, je crois que tu as raison sur pas mal de choses dans ton analyse, et qu’en effet la supposée « libération sexuelle » n’a pas fait disparaître magiquement tous les tabous et problèmes autour du sexe. D’une certaine manière, non seulement les anciens stéréotypes à l’origine de nombreuses discriminations continuent d’exister. La norme (ce qui est considéré comme acceptable par la majorité des gens et ce que l’on voit représenté de la pub aux séries TV en passant par les livres, les films, etc) est TOUJOURS à une sexualité au sein du couple hétérosexuel et monogame, avec des hommes qui auraient des « besoins » et des femmes qui « cèdent pour avoir la paix », sans désir autonome ou pluriel… Mais à ce formatage est venu s’en ajouter un autre, complètement opposé, qui veut que l’on ait forcément une sexualité, déjà, mais qui plus est une sexualité avec 5 orgasmes et 38 positions par rapport sinon c’est qu’on est un peu des nazes du cul! Une pression supplémentaire dont on se serait bien passé⋅e⋅s! D’où un bon paquet des « problèmes, […] maux de société tenaces, […] angoisses et […] névroses ?.. » que tu évoques…

L’important, dans tout ça, c’est de pouvoir y réfléchir pour prendre un peu ses distances et essayer de savoir de quoi toi tu as envie ou pas, ce qui te fait plaisir ou pas, et d’agir en conséquence. et de ce point de vue là, il me semble que tu es plutôt bien parti vu les réflexions que tu as déjà :)

Voilà, j’espère que ça répond un peu à ta question,

Des bisettes

Cette réponse existe grâce au soutien de @iphigenie_hal sur Tipeee. Merci beaucoup!

 

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