Fille de 15 ans, j’ai peu de tabous avec la sexualité mais les gens me jugent quand j’en parle

Salut !
Fille de 15 ans, j’ai peu de tabous avec la sexualité et je ne vois pas toujours quand je gène (oui parce qu’une fille qui parle de cul librement c’est choquant il semblerait).
Du coup, je donne très peu mon avis quand le sujet est abordé, marre des regards choqués/dégoutés.
Mais hier, j’en ai eu marre d’entendre mon copain et un de ses potes blaguer sur le fist anal sans préparation, et j’ai expliqué que c’était dangereux (en exposant les conséquences) et que si on voulait faire ça de manière agréable, il faillait préparation et lubrifiant. J’ai aussi mentionné le fait que mettre le poings entier était plutôt rare. Ils m’ont plus ou moins écouté, malgré les blagues lourdes (« ça veut dire qu’on peut avoir ses règles du cul » hahaha), d’ailleurs mon copain y a fait allusion aujourd’hui. Je ne regrette rien, à part qu’ils ont sorti le même type de blague aujourd’hui.

Tout ça (désolée pour le racontage de vie au fait) pour dire que j’en ai un peu assez qu’on me prenne pour une quiche en sexologie. Moi aussi j’ai accès aux livres, à internet, aux émissions qui explique (cc Pouhiou). Pourquoi ? Quand je tente de m’exprimer sur le sexe, suis-je si ridicule ?
Et qu’y a t’il de si dérangeant à l’idée que oui je connais mon corps ? Que oui, l’idée de dominer ou d’être dominée m’attire ? Que la masturbation féminine c’est agréable ?
J’aimerais bien comprendre ce qui passe par la tête des gens quand je parle de sexe et qu’ils me regardent comme si j’étais une trainée. Pourtant, en plus d’un an, je ne suis jamais allée voir ailleurs, et il s’agit de ma première relation sérieuse. J’imagine que cet adjectif ne correspond pas (correspond il seulement à une femme ?).

Désolée pour le pavé, et merci pour ton site.
J’espère que tu auras plus de réponse que moi,
Kisses.

Salut!

Alors tout d’abord, ne t’excuse pas pour le « racontage de vie » comme tu dis, ça me donne plein d’éléments de contexte sur lesquels rebondir pour te répondre, et de précisions utiles à comprendre ta situation, donc au contraire, merci!

Je pense qu’il y a plusieurs aspects à séparer dans ta question, je vais essayer de décortiquer ça :)

Tu dis « j’en ai un peu assez qu’on me prenne pour une quiche en sexologie » et tu demandes « quand je tente de m’exprimer sur le sexe, suis-je si ridicule ? » parce que les gen⋅te⋅s à qui tu t’adresses semblent surpris⋅es de tes connaissances. Je crois que c’est -en partie- lié au fait que tu sois jeune et que tu ne fasses pas partie du milieu médical, qui est quasiment le seul à avoir aujourd’hui une légitimité pour s’exprimer (souvent à tort et à travers) sur les questions de sexualités et d’identités. Le savoir « profane », celui qui peut se transmettre entre ami⋅e⋅s, au sein des familles ou même parmi les expert⋅e⋅s en dehors du champs de la médecine, est souvent dévalué ou moqué. Pourtant, il est vu comme complètement logique et acceptable qu’un magazine féminin (ELLE pour ne pas le citer) fasse sa une avec « la pipe ciment du couple« , un article bourré d’injonctions hétéronormatives et sexistes pourries. Mais si toi, du haut de tes 15 ans, tu partages des connaissances que tu as acquises par le biais de blogs, vidéos, etc, ça coince.

Ensuite, les personnes à qui tu parles de ces sujets te paraissent parfois choquées de t’entendre t’exprimer sans te freiner et sans gêne. C’est peut-être parce qu’il existe encore des tabous et des normes extrêmement fort⋅e⋅s et pesant⋅e⋅s en ce qui concerne les sexualités. Si on parle plus du sexe que par le passé (et je dis « si » car il faudrait avoir les données historiques ou sociologiques pour l’affirmer) on en parle encore de manière hyper normée. Dès qu’on s’en éloigne les gen⋅te⋅s sont souvent embarrassé⋅e⋅s, ce qui peut notamment se manifester par des blagues reloues comme tu en as fait l’expérience (c’est une façon de maintenir une façade quand on n’est pas à l’aise parfois). Parler de sexualité cisgenre et hétérosexuelle ok, mais pas de domination, ou de fist, oulala, non!

L’héritage culturel, religieux et/ou éducationnel des un⋅e⋅s et des autres peut aussi jouer un rôle. Si on t’a appris que le sexe en général (ou certaines pratiques) c’était « mal » ou « sale », en discuter peut devenir compliqué. A cause de ça, on s’empêche parfois de poser des questions de simple curiosité parce qu’on croit que ça signifie forcément qu’on est intéressé⋅e ou concerné⋅e à titre personnel. Alors que non. Ce n’est pas parce que tu t’es renseignée sur le fist anal que tu vas nécessairement le pratiquer. Et ce n’est pas parce que tu sais où est ta prostate que tu vas obligatoirement aller la titiller!

Autre point : quand on parle de sexualité⋅s, on touche à l’intime et pour certaines personnes c’est aussi ça qui rend la conversation difficile. Pas forcément parce qu’elles pensent que c’est une mauvaise chose, non, mais simplement parce qu’elles considèrent que cela fait partie de la sphère privée et n’appartient qu’à elles (et éventuellement à leur⋅s partenaire⋅s). Il y a aussi des gen⋅te⋅s qui sont simplement timides, ou qui ont peur de dévoiler trop d’elles-mêmes et de leurs désirs en abordant le sujet, même sur le plan de l’échange d’opinions ou d’informations générales. Enfin, il se peut que le sujet soit douloureux ou problématiques pour certaines personnes, que ce soit parce qu’elles ont vécu des violences sexuelles ou parce qu’elles ont des problèmes dans ce domaine. Tout cela peut expliquer une réticence à dialoguer qu’il faut aussi pouvoir accepter et respecter de ton côté, quitte à trouver d’autres personnes avec qui papoter là dessus!

Last but not least, ÉVIDEMMENT, le fait que tu sois une fille qui parle de sexe, ça peut carrément jouer. Il faut dire que depuis toujours (ou au moins trèèèèèèès longtemps?) la sexualité des femmes (cisgenres) a été plus contrôlée, plus régulée que celle des hommes. Leur désir, leur plaisir sont surveillés, passés à la moulinette de la norme. Une femme « bien » n’a pas d’envie sexuelle, mais elle se plie toujours à celles de son mari (car oui, la femme bien est hétérosexuelle et monogame ça va sans dire). La femme bien baise, oui, mais c’est parce qu’elle veut de l’amour et des enfants, pas pour jouir, ah non! Comme elle n’a pas de libido propre, la femme bien ne se masturbe pas, pour quoi faire d’abord, s’il n’y a pas un pénis de chair et de sang pour la pénétrer elle ne pourra pas prendre de plaisir (la femme bien n’a pas de clitoris, donc, mais c’est pas une femme trans, hein wololo, surtout pas).

Celles qui sortent des clous sont punies, le bûcher pour les « sorcières » qui osent se mettre sur un homme pour baiser, le diagnostic de « nymphomane » pour celles qui auraient « trop » envie, le clitoris coupé pour celles qui prennent goût à le rouler…Aujourd’hui, en France, les punitions exercées sur les femmes dont la sexualité et/ou l’identité débordent des cadres de la norme ont changé, mais elles existent toujours, sous la forme de viols ou d’autres violences individuelles ou institutionnelles que peuvent subir plus particulièrement les lesbiennes, les femmes trans, les prostituées, parfois celles qui ont juste eu la malchance qu’on leur « fasse une réputation », fondée ou non. On dit parfois que la connaissance c’est le pouvoir, peut-être est-ce ça qui interpelle tes interlocuteur⋅ice⋅s aussi…

Tu dis « ils me regardent comme si j’étais une trainée », mais je me demande ce que ça veut dire pour toi, « trainée »? On l’utilise pour parler de qui? Pour dire quoi? A mon avis ce n’est pas un hasard si ce mot n’existe pas au masculin. C’est une insulte destinée à rabaisser les filles/femmes dont la sexualité déborde du cadre du couple -hétérosexuel- monogame (ou dont on soupçonne que c’est le cas). D’ailleurs tu prends bien soin de me préciser que tu as avec ton copain ta première relation sérieuse et que tu n’as pas été voir ailleurs. Mais même si tu l’avais fait, ou que tu avais eu plusieurs partenaires par le passé, ça ne justifierait pas ce terme sexiste. Certes, si tu trompes une personne, on peut estimer que ce n’est pas très sympa pour elle parce ce n’est pas transparent et honnête, mais, encore une fois, il n’y a aucune raison valable de qualifier une personne de « traînée »!

AMEN TO THAT!

Voilà, j’espère que cette (longue) réponse t’aidera peut-être à y voir plus clair et j’espère que tu garderas en tout cas ta curiosité et ta liberté de ton sur le sujet!

Bisettes à paillettes

Cette réponse existe grâce au soutien de @Celinextenso sur Tipeee. Merci beaucoup!

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